A mi-chemin entre Syracuse et Catane, Augusta serait un port tranquille si la ville n’avait connu l’un des pires drames de l’immigration méditerranéenne : en avril 2015, une sorte de caïque (grosse barque de pêche) venu d’Afrique du nord fait naufrage non loin de la Sicile, faisant près de 800 morts et seulement 28 rescapés. Pour donner une digne sépulture aux noyés, le bateau est renfloué en 2016 par l’Italie et devait terminer sa vie au port militaire proche d’Augusta - comme possible pièce maîtresse d’un futur lieu de mémoire. Las, les projets concurrents se sont multipliés autour de cette épave (exposition à Bruxelles en face du Berlaymont, musée à Milan etc.), et c’est finalement l’artiste très controversé Christophe Büchel qui finit par emporter la mise en proposant de faire de Nostra Barca un objet culturel en soi.
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Le transbordement de Barca Nostra en 2019 (Photo Switch) |
33 millions d’euros, de quoi assister près de 7 000 migrants pendant un an, au tarif de l’aide aux demandeurs d’asile en France…
Triste symbole de l’inconséquence et de l’indifférence
européenne, Barca Nostra n’en finit pas de se dégrader en l’absence de
touristes sur le quai de l’Arsenal. Il était déjà contestable de se servir du
malheur comme œuvre d’art. L’épave ne sert même plus de cible à selfies… Il
faudra peut-être un jour s’en débarrasser comme déchet, à l’instar de ce qui est arrivé aux migrants
naufragés eux-mêmes… C’est d’autant plus regrettable qu’un travail remarquable
avait été fait par 200 médecins légistes pour identifier après renflouement les
corps restés prisonniers de l’épave. Mais aujourd’hui, un certain virus est
passé par là, et a relégué aux oubliettes tout ce travail de mémoire.
(Bénédict de Saint-Laurent, WPA)
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