vendredi 29 mai 2020

Michèle nous a quittés


Michèle de Saint-Laurent, membre actif du Conseil d'administration de Welcome Pays d'Aix, famille d'accueil, et bien plus encore, nous a quittés trop vite, le 8 mai 2020. Son sourire, son rire si communicatif, sa franchise et sa force de joie nous manquent déjà !

Voici quelques témoignages de migrants sur ce qu'elle leur a apporté:
  • Bonsoir Bénédict. J'ai appris la disparition de ta femme Michèle. Toutes mes condoléances. C'était une femme forte et inspirante. Je regrette vraiment. elle était toujours pleine d'énergie. Je suis très triste de ne pas pouvoir être à côté d'elle pendant ses derniers moments. Ça me serre le cœur de te voir comme ça. Je partage ta peine. Elle était encore jeune n'est-ce pas. Je n'ai plus que mes yeux pour pleurer. Je ne sais pas quoi faire… En tout cas si je peux t'être utile, n'hésite pas à me faire signe. Asad Ali Zada
  • My condoléances for you and your family ! My heart is so broken, but I know she is in a good place with her God. Maklet Mharry
  • Bonjour. C’est avec une grande tristesse que je présente à la famille de Michèle et aux amis, mes sincères condoléances, et que l’âme de la défunte se repose en paix ! On se souviendra d’elle dans nos prières et on gardera le souvenir de ses bonnes œuvres à jamais. Merci et à bientôt les amis. Ibrahima Diallo
  • Cher Bénédict et toute ta famille, recevez nos sincères condoléances et toute mes amitiés dans ce moment difficile. Michèle était une grande sœur. Je souhaite la paix à son âme pure. Moi et ma famille sommes de tout cœur avec vous dans cette épreuve. Bien affectueusement et amitiés Moammar Atwi
  • Moi aussi en fait je suis très triste. Mais c’est la vie, et je suis sûr que Michèle est au Paradis. J'espère avoir de la chance dans la vie comme toi, parce que tu as une belle femme et très gentille. Je te remercie pour ton témoignage. En fait, le confinement en ce moment, c'est bien mais un peu dur, mais ça va aller et j’ai déménagé la semaine dernière chez Marc et Sylvie. Grands bisous et à bientôt. Amitiés Mohamad
On trouvera sur ce lien une prière retrouvée dans le portefeuille de Michèle, prière qui convient bien à tout migrant, puisqu'elle se termine par cette phrase : Conduis-moi donc maintenant à l’heureux terme de mon voyage.

(Claude Carrillo, Présidente WPA)

lundi 25 mai 2020

Un beau texte : hospitalité et humilité par Raphaël Gutmann

Vœu pieux ou choix anachronique au regard de l’actualité, notre cabinet de conseil en lerdership avait choisi de consacrer son livret annuel pour 2020 au thème de l’hospitalité. Cette décision nous avait semblé évidente, tant cette valeur archaïque nous paraissait marginalisée par nos contemporains de l’avant-17 mars dernier. La peur de l’Autre – étranger par ses origines, sa religion, son genre et plus globalement sa manière de voir et de vivre le monde – combinée à l’usage excessif des réseaux sociaux entravaient déjà la rencontre physique, condition sine qua non à l’hospitalité.

Au temps du coronavirus, cette pratique est encore plus menacée, à l’exception notable des hôpitaux, lieux d’hospitalité par étymologie où l’accueil et l’échange physiques se poursuivent. Ailleurs, les mesures barrières et le confinement, aussi nécessaires soient-ils, accélèrent l’avènement d’une civilisation « sans contact ». Utile pour régler ses achats, maintenir un ersatz de vie sociale, ou conserver une activité économique par le télétravail, le « sans contact » nous prive du plaisir du toucher, de l’odorat, mais aussi de celui de la vue et de l’ouïe en prise directe : il affadit la saveur de la vie. Encouragés à rester chez soi, et à ne sortir que pour s’approvisionner, la majorité des Français – en tout cas ceux qui en ont les moyens matériels et financiers – a adopté un mode de vie « hors-sol », qui repose sur l’efficacité de la mondialisation avec ses chaînes d’approvisionnement et l’utilisation des nouvelles technologies. Je crains que cette épidémie, qui nous rappelle nos manques, notre vulnérabilité et notre dépendance face à la nature, n’accélère l’évolution vers une société davantage coupée de la réalité physique. Aujourd’hui à l’abri, derrière l’écran protecteur de nos ordinateurs et de nos smartphones, la pratique de l’hospitalité est délaissée pour protéger notre santé.

Qu’en sera-t-il dans le futur ? A l’issue de l’épreuve que nous traversons, oserons-nous sortir de la « grotte » dans laquelle nous nous sommes réfugiés, ou continuerons-nous à nous claquemurer dans nos foyers aseptisés ? J’ai tendance à penser que le mouvement de repli sur soi l’emporterait, et que notre état « sans contact » et « hors-sol » passerait de transitoire à permanent. Dans ce cas, l’hospitalité disparaitra, puisqu’elle sera associée aux risques de contamination, de germes et de maladies. Pourtant, je garde espoir en notre faculté à retrouver la valeur et la joie du contact qui favorise la contagion, mais aussi les défenses immunitaires, et la fertilisation. Cela est vrai d’un point de vue physiologique comme dans les dimensions intellectuelle et spirituelle. Espérons aussi que l’excès de virtualité créera la nostalgie des rencontres physiques. Dans ce sens, l’un des termes les plus utilisés par nos dirigeants scientifiques et politiques ces dernières semaines laisse entrevoir cette possibilité. Il s’agit du mot « humilité ». Face au virus et à l’inconnu, ils reconnaissent qu’ils ne sont ni omniscients ni omnipotents. Ils nous mettent face à une réalité que nous avons tendance à éluder : notre mortalité. En écho à ces aveux, tonne l’ire d’apprentis prophètes qui, eux, ont réponse à tout. Ils affirment ainsi que l’épidémie est, selon leur sensibilité, une humiliation infligée par Dieu le Père, ou la revanche de Mère Nature. Dans les deux cas, le fléau punirait l’humanité de ses excès. Ces interprètes en quête de rédemption désignent évidemment des coupables : la Chine, la mondialisation, le changement climatique, les puissances de l’argent... Cette recherche expéditive de boucs émissaires prouve que malgré les nouvelles technologies, nos réactions ne sont pas si éloignées de celles de nos aïeux au temps de la peste ou du choléra.

De mon côté, l’appel à l’humilité exprime au contraire une chance que nous devons saisir. Il résonne telle une injonction à renouer avec l’humus, c’est-à-dire la terre. Humains, nous en sommes les enfants interdépendants, comme nous le rappelle les étymologies latine et hébraïque. Dans cette langue, le mot pour dire « terre » (adama) partage aussi la même racine que celui pour dire « homme » (ben adam). L’humilité nous rappelle donc notre humanité, faite de fragilités et d’imperfections. Or, s’il est une valeur essentielle pour les gens qui vivent de la terre, c’est bien l’hospitalité. Et cela malgré les risques qu’elle peut engendrer. Gardons en mémoire que notre civilisation a comme premier patriarche Abraham, un terrien dont la tente était ouverte aux quatre points cardinaux. J’espère dès lors que la crise actuelle nous permettra d’explorer notre humanité en cultivant le goût de l’hospitalité, qui participe au sel de la vie.

Raphaël Gutmann

(proposé par Michel Croc / Article publié dans ÉTUDES du 9 mai 2020)

dimanche 10 mai 2020

Un poème contre le Covid-19 par un ami migrant

Moammar Atwi, écrivain et poète libanais, nous adresse une page de son "Journal de confinement", téléchargeable ici. Ah, la vie entre 4 murs... (les migrants sont parmi ceux qui souffrent le plus du confinement). Par ailleurs Moammar nous dédie cette belle poésie, "Dieu maléfique"  :

Comme des pécheurs
dans une grande prison,
entre quatre murs,
nous sommes arrêtés
sans procès,
sans crime apparent.

Vous nous laissez respirer
pour une courte période,
pour une courte distance.

Sans travail sauf celui de compter les victimes;
chaque matin, nous attendons… combien de malades, combien de morts ?
combien de guérisons?
.
Comme un compteur des morts
le monde entier
de la Californie à Johannesburg,
du Liban à la Nouvelle-Zélande.
Le monde entier est devenu notre peur, notre anxiété
Peut-être même au-delà

Vie sans vie,
amour à distance,
embrasser sur Whatsapp,
travailler par Hangout.
Même étudier
et rendre visite aux ses amis,
se fait à distance.

Oh, le dieu maléfique
Covid-19,
fils de la grande Corona
pour votre mère et vos oncles SARS, paludisme et choléra
libérez nous.

Laissez nous respirer l'air que nous avons pollué.
Permettez-nous de revenir à la nature que nous avons détruite,
de retisser les liens d'amour entre nous,
Sans masque ni gants.

Pulvérisez du parfum au lieu des antiseptiques.
Disparaissez de nos corps
de notre terre
de notre sel
de notre pain
Permettez-nous de vivre après vous.

Moammar Atwi, Lambesc, 15 avril 2020