lundi 30 novembre 2020

Réactions à une vidéo aux accents anti-migrants du maire de Pertuis

Dessin de Deligne paru dans "La Croix"
Plusieurs associations de Pertuis et du Pays d’Aix réagissent aux propos tenus par le maire de Pertuis dans une vidéo postée le 20 novembre 2020 sur le compte Facebook de cette ville.

Quels sont les faits exposés dans cette vidéo ? Le 19 octobre 2020, sept Afghans sont découverts à Pertuis, à bord d’un camion en provenance de Slovaquie, via l’Italie. Ils sont sans papiers et déclarent vouloir demander l’asile en France. Ils sont informés par les gendarmes qu’ils doivent aller présenter leur demande à Marseille, au guichet unique des demandeurs d’asile et sont laissés libres. Une heure après, ils sont contrôlés dans Pertuis puis quittent la ville le jour même.

Qu’est-ce que le droit d’asile ?

Ce droit est inscrit dans le préambule de la Constitution française qui affirme que « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ». Le droit d’asile découle également des engagements internationaux de la France, en particulier de la convention de Genève sur les réfugiés du 28 juillet 1951 ratifié par 145 Etats.

Au sortir de la seconde guerre mondiale, alors que l’Europe comptait plusieurs millions de personnes déplacées sur l’ensemble du continent, la convention de Genève, prenant également en compte les persécutions de l’entre-deux-guerres et de la Shoah, a mis en œuvre les préoccupations proclamées par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, notamment l’article 14-1 « devant la persécution, toute personne a le droit de chercher l’asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays ».

Ce socle juridique, édifié peu à peu à partir des multiples meurtrissures de notre passé, revêt un caractère quasi « civilisationnel » qui peut se résumer en une phrase : protéger ceux qui risquent la mort.  C’est pourquoi, si le franchissement illégal d’une frontière de notre pays peut justifier une reconduite à la frontière, ceci est interdit si l’étranger a déclaré à une autorité compétente -par exemple la gendarmerie nationale- son intention de demander l'asile.

Nous ne devons pas l’ignorer. Le contester, ou demander que la loi soit modifiée sur ce point, est une erreur grave au regard de notre histoire.

Est-il exact que notre République est une véritable passoire ?

Nous laissons à monsieur le maire la responsabilité de cette affirmation. Nous n’en croyons rien. Dans l’exemple des demandeurs d’asile afghans arrivés à Pertuis le 19 novembre, le fait que les premières personnes qu’ils aient rencontrées à leur arrivée en France aient appelé les gendarmes, tend à prouver le contraire. Tous ceux qui se sont rendus sur la frontière avec l’Italie, au nord comme au sud, ont pu constater que les contrôles étaient très importants.

Les étrangers sont-ils responsables, de manière prépondérante, des attentats terroristes commis en France ?

Monsieur le maire fait référence aux deux attentats qui nous ont frappés récemment, l’assassinat de Samuel Paty et celui de trois personnes dans la basilique de Nice. En conclusion, il redit son inquiétude : « Imaginez si ces gens avaient été des tueurs ou des terroristes ! »

Cette crainte est-elle fondée ? Il est certain que le terrorisme islamiste n’est pas né en France. Est-il pour autant avéré que les demandeurs d’asile ou même que les étrangers résidant en France soient à l’origine de la plupart des attentats islamistes commis dans notre pays ?

Le nombre d’auteurs d’attentats perpétrés en France étant, heureusement, peu important, une approche statistique est impossible. Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a toutefois rappelé, à propos des attaques depuis 2015 : “sur les 30 derniers terroristes confondus pour des actes commis sur notre sol, 22 étaient français, 8 seulement, étrangers”.

Le ministre de l’intérieur a aussi récemment révélé que, sur 20 000 personnes inscrites sur le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), 4% étaient en situation irrégulière en France.

Par ailleurs, il n’y a, a priori, aucune raison de penser que les auteurs d’attentats commis en France aient un profil différent de ceux qui ont tué ou blessé des personnes dans d’autres pays. Le think tank américain CATO qui a étudié les données de 174 pays entre 1995 et 2015, ce qui valide probablement une approche statistique, en arrive à la conclusion suivante : ”Nous n’observons aucune association significative entre la part des migrants dans un pays et l’activité terroriste”.

Suggérer un amalgame - "Imaginez si ces gens avaient été des tueurs ou des terroristes !" - est grave. Affirmer sans nuances ni précisions que notre République est une véritable passoire, et donc sous-entendre qu’elle doit être plus difficile d’accès, voire interdite aux demandeurs d’asile, n’a pas de sens.

Sans ignorer les difficultés de mettre, enfin, en place un accueil digne des demandeurs d’asile, les organisations signataires considèrent comme irresponsable d’attiser les peurs.

Elles rappellent leur attachement indéfectible aux valeurs de la République, au respect des engagements que la France a ratifiés et aux droits humains.

(WPA a signé cette pétition. La vidéo contestée est visible sur ce lien)

dimanche 29 novembre 2020

Parole forte d'un évêque !

Théophile Ntalu Nzungu, originaire de la République «Démocratique» du Congo, menacé de mort dans son pays, avait demandé l’asile politique à la France. Il était arrivé à Nevers depuis cinq ans, investi dans plusieurs associations. Chrétien non catholique, il a beaucoup animé la pastorale des migrants et nous réjouissait par sa foi et son sourire rayonnants.

Ayant été débouté du droit d’asile, il aurait pu bénéficier d’une régularisation à plusieurs titres. Les autorités françaises n’ont rien voulu entendre et ont décidé de l’expulser. Il a été mis de force ce matin dans un avion vers son pays où il n’a plus d’attaches et où il risque sa vie.

La France aurait pu s’honorer d’accueillir et de nationaliser une telle personne, il n’en a rien été. La France se rend responsable de ce qui risque désormais de lui arriver.

Théophile n’est pas un cas isolé. Bien des migrants sont arrivés chez nous au seul titre du droit d’asile et ont été rejetés au mépris du droit et parfois dans des conditions inhumaines.

La société française n’a rien à gagner à se fermer. La peur du terrorisme ne peut justifier le repli sur soi et encore moins les violences envers les personnes.

« Le sang des Français, le sang des Américains, le sang des Européens, c’est le sang des migrants » chantait Théophile. C’est aussi le sang de Jésus, qu’il a versé pour chacun de nous.

+ Thierry Brac de la Perrière, évêque de Nevers

(transmis par Michel Croc. Lire aussi cet article dans le Journal du Centre)

vendredi 27 novembre 2020

Une AG annuelle en visioconférence le 8 décembre 2020

L'Assemblée générale de Welcome Pays d'Aix (WPA), prévue début octobre 2020, n'ayant pu se tenir pour cause de COVID, nous vous proposons de nous réunir en visioconférence le mardi 8 décembre 2020 à 18:00 précises (le lien de connexion sera fourni aux membres quelques jours auparavant, le demander au besoin à notre secrétariat).

Ce sera nettement moins convivial qu'une véritable réunion... mais cela permettra au moins de vous tenir informés de l'actualité de Welcome Pays d'Aix, de partager avec vous les perspectives pour 2021 et surtout de répondre aux questions que vous pouvez vous poser.

Le Conseil d'Administration ayant perdu quelques uns de ses fidèles membres nous faisons un appel pour que ceux qui le souhaitent nous rejoignent.

Voici les points à l'ordre du jour:

  • Mot d’ouverture sur le contexte particulier actuel 
  • Rapport moral, vote
  • Rapport financier, vote
  • Perspectives 2020/2021
  • Candidatures au CA. Élection du CA
  • Questions diverses

(Sylvie Piquenot)

mardi 3 novembre 2020

Nouvelles du réseau WPA

[Ce texte -partagé ici en 2 articles- a été adressé récemment aux familles d'accueil et aux membres de l'association]

Un contexte difficile ayant impliqué une pause de l'accueil…

La crise sanitaire paralyse sérieusement l'activité de Welcome Pays d'Aix et de ses partenaires aixois en charge des migrants (Collectif Agir). Depuis l'été 2020, nous avons été contraints de faire une pause dans l'accueil de nouveaux demandeurs d'asile. Toutefois, ces derniers continuent d'arriver dans notre région (à un rythme un peu moins soutenu) et les besoins d'accueil restent importants.

Notre démarche depuis la rentrée est donc de relancer doucement l’accueil, avec 1, puis 2, puis peut-être 3 migrants début 2021, tout en poursuivant le suivi des "anciens" passés par notre association, et qui ont souvent encore besoin d'une certaine assistance (même dans le cas favorable où ils ont obtenu le statut de réfugié).

Ceci étant, et pour répondre aux demandes de certaines familles qui ne comprennent pas que nous ne les sollicitions pas, il n'est pas si facile de trouver des migrants que nous puissions vraiment aider : nous devons être sélectifs, éviter les risques pour les familles d’accueil (cas trop lourds, par exemple) ; notre région fait face à un afflux de migrants venant de pays peu éligibles pour l'asile (comme la Guinée-Conakry ou l'Albanie), or nous cherchons à intégrer dans la durée, avec de réelles chances de réussite ; nous visons des migrants pour qui le passage par une famille et l’assistance très proche peuvent être déterminants dans leur intégration (cas évident des mineurs); enfin, beaucoup de demandeurs d'asile sont des jeunes hommes qui préfèrent rester à Marseille, où existent des réseaux par nationalité, et où il est plus facile de trouver du travail infomel.

D’autre part, nous engageons dans l’accueil d’un demandeur d’asile pour une durée de 6 mois minimum. Cela nécessite d’avoir des familles d’accueil disponibles pendant les périodes de vacances ce qui est souvent un facteur limitant.

Les contraintes sanitaires nous ont obligé depuis le printemps à annuler une formation prévue fin mars puis fin avril 2020 sur l'approche narrative, puis à annuler la journée des familles et l'assemblée générale de l'association prévues le 4 octobre 2020.

Malgré ces difficultés, certaines activités se poursuivent

Nous ne restons pas inactifs :

  • Nous avons recommencé à accueillir, avec un demandeur d'asile iranien, Mehdi Rostami, 40 ans (actuellement chez Victor, puis chez les Croc, puis les Payan);
  • L'assistance aux démarches des demandeurs d'asile reste nécessaire, en particulier pour les préparer aux entretiens avec l'OFPRA (demande initiale) et la CNDA (recours). Depuis cet été, ont été ainsi aidés Alexe Macfoy (Centrafricain, passage à l'OFPRA le octobre 2020), Mekidès Asaye (relance de l'OFII, elle n'a toujours aucun droit), Asad Ali Zada (Afghan, audience à la CNDA annulée le 19 mars 2020 pour cause de Covid, mais relances en cours avec son avocate);
  • Les cours de français se poursuivent dans les locaux d'Agir les lundi, mercredi et vendredi, mais avec des effectifs assez réduits de migrants (5 à 10) et toujours la difficulté de grandes différences de niveau de français. Si certains parmi nous le pouvaient, des cours particuliers ou à 2 ou 3 élèves seraient très utiles. Nous recherchons un local central dans Aix pour ces cours;
  • Le suivi des "anciens" migrants reste assuré : certains migrants ont été accueillis pendant l’été pour des vacances (Asad a pu ainsi découvrir la Bretagne avec Bénédict); d’autres sont aidés dans leurs études ou insertion professionnelle (Ezadin Al Cheikh engage, avec l’appui en français de Marie Line, une de nos membres, un second CAP, après l'obtention inespérée cet été du CAP de carrossier); voir plus bas des infos détaillées;
  • Nous avons pu participer à l'Assogora d'Aix (journée des associations) le 13 septembre 2020, en squattant le stand d'Agir (merci à Michel Croc, Clémentine Mahut, Anne Lanfranco [et Bénédict] qui ont assuré cette présence); idem, participation à la journée des associations du Tholonet, la semaine précédente;
  • A cette occasion, un mini-dépliant incitant à l'accueil a été édité à 2 000 exemplaires. Il peut être proposé sur les présentoirs de certains lieux (associations, équipements socioculturels, mairies, églises …) ou donné à des amis qui seraient intéressés. Vous pouvez vous rapprocher d’un membre du CA (liste ci-dessous) pour en récupérer un petit stock à distribuer…
  • Nous avons trouvé de nouvelles familles d’accueil, que nous remercions chaleureusement pour leur engagement : Cécile et Marc Simon (Luynes), Kasia et Denis Bourée (St-Cannat), et un grand-père veuf, Jean-Luc Chuzel (Eguilles). Par contre deux couples âgés (octogénaires) ont dû renoncer à l'accueil dans le contexte sanitaire actuel;
  • Notre association avait été acceptée officiellement comme membre d'Agir en remplacement de JRS-Welcome à l’automne 2019. Elle a obtenu lors de l’AG d’AGIR de cet automne un siège au CA de ce collectif. WPA a désigné  Michel Croc pour cette fonction.

La suite des actions

Nous espérons pouvoir nous retrouver physiquement très vite ! Et nous devons aussi tenir notre AG annuelle, repoussée sine die depuis septembre (sera virtuelle en cas d’impossibilité de réunion).

Nous avons besoin d’élargir nos bases, de trouver des responsables pour notre CA (qui a maigri!), mais aussi d’autres formes d’aidants (cours personnalisés de français, démarches, vacances), et toujours des familles…

Nous restons à la recherche de possibilités d'emplois (petits ou grands boulots) pour des migrants, de moyens financiers (aide juridique, subsistance) et d'un local à Aix pour des cours.

Bien amicalement à vous tous !

[Les membres du bureau : Claude Carrillo, Victor Giudiccelli, Philippe Hallé, Michel Croc, Sylvie Piquenot, Bénédict de Saint-Laurent (document rédigé par ce dernier)]

Nouvelles des migrants accueillis ou suivis par WPA

Voici des nouvelles des demandeurs d'asile que les uns et les autres ont accueillis ou connus ces derniers temps :

  • Ibrahima Diallo (Guinéen, 32 ans) et Vladimir Bruma (Moldave, 27 ans), déboutés par la CNDA, ont trouvé accueil à Emmaüs Cabriès, qui leur donne un travail pouvant, sous certaines conditions, déboucher après plusieurs années sur une régularisation de leur présence en France;
  • Ezadin Al Cheikh (Soudanais, 21 ans depuis le 7 octobre) a donc fièrement reçu son diplôme de carrossier. Il poursuit son alternance et habite toujours au Foyer de Jeunes Travailleurs des Milles;
  • Mohamad dans Ste-Victoire
    Mohamad Al Masri (Syrien, 23 ans) a également obtenu le statut de réfugié le 6 avril 2020. Aujourd’hui, Mohamad loge au Foyer de Jeunes Travailleurs des Milles comme Ezadin. Il a commencé une formation CFA en gestion commerciale et travaille en alternance chez un livreur de repas où il découvre la gestion d’entreprise en France.
  • Moammar Atwi (Libanais, il aura 50 ans le 30 novembre) a obtenu le statut de réfugié cette année, mais peine à se reconvertir en journaliste (son métier), car ne maîtrisant pas encore suffisamment le français; du coup, il suit diverses formations à notre langue;
  • Alexe Mackfoy (Centrafricain, 25 ans) a été entendu par l'OFPRA à Paris le 5 octobre 2020 (le même jour que son frère William, ce que nous avons découvert !);
  • Maklet, pensive
    Makhlet Maharry (Erythréenne, 32 ans) a elle aussi obtenu la protection de la France, mais reste séparée de son fils Nathanaël qu'elle avait confié en Libye à une amie éthiopienne. Les démarches de rapprochement familial via la Croix Rouge semblent interminables. Maklet est toujours accueillie par une famille des Milles et travaille comme hôtesse d'accueil;et travaille dans la restauration (à défaut des services à la personne qu'elle voudrait assurer –idées bienvenues !);
  • Asad en Bretagne
    Asadullah Ali Zada ("Asad", Afghan, 42 ans) a quitté son logement près de St-Jérôme à Marseille pour une autre colocation proche de l'église des Réformés, ceci afin de pouvoir plus facilement travailler (après avoir fabriqué des masques comme couturier, il occupe divers emplois informels). Il a passé une partie du mois de juillet en Bretagne au sein d'une famille d'accueil, ses premières vacances depuis 7 ans;
  • Nous n'avons pas de nouvelles récentes, par contre, de Salifou Camara, Moussab, Husamah Mahama, qui sont restés assez brièvement dans le réseau. Nous restons cependant disponibles.
(Bénédict de Saint-Laurent)


lundi 2 novembre 2020

Ezadin, un beau parcours d'intégration

Un jeune migrant soutenu par Welcome, Ezadin Al Cheikh, 20 ans, a réussi à obtenir cet automne un CAP de carrossier. Si vous aviez vu ses yeux lorsqu'il a reçu son diplôme, c'était très touchant, beaucoup de joie et de fierté !

Ezadin est arrivé en Europe à 16 ans, venant du Soudan (Darfour) via un camp de réfugiés au Tchad, la traversée du désert de Libye, le franchissement de la Méditerranée, l'Italie, Marseille et la rue… Sa route pour atterrir au Pays d'Aix a été longue et semée d'embûches… Mais, aîné d'une ribambelles d'enfants, il devait y arriver!

Quand vous le croisez dans les couloirs du CFA, Ezadin a toujours le sourire aux lèvres ! Il est toujours content, heureux d'être en France. Il a préparé son CAP pendant 2 ans, malgré les difficultés rencontrées, un difficile apprentissage de la langue, et la complexité des matières d'enseignement général, techniques et professionnelles. A Welcome, nous étions un peu dubitatifs sur sa réussite, la crise du Covid lui a peut-être donné un coup de pouce, mais, comme pour prouver sa détermination, Ezadin prépare cette année un nouveau CAP (peinture en carrosserie). En plus du CFA (formation de base et professionnelle) et de son travail chez un employeur, Ezadin suit des cours de "Français Langue Etrangère" deux soirs par semaine après son travail.

Ezadin Al Cheikh est né en 2000 dans un petit village du Darfour. En 2003, la guerre civile éclate dans cette province : rébellions et répression font des milliers voire des dizaines de milliers de morts. Des villages entiers sont détruits, leurs habitants massacrés. La famille d'Ezadin s'enfuit vers le Tchad et se retrouve au camp de réfugiés d'Abeche. Dix années passent… Les conditions de vie sont très difficiles et le père d'Ezadin, qui veut une vie meilleure pour son fils, décide en 2014 de le confier à un oncle qui va travailler en Libye. L'homme part donc avec Ezadin. Ils traversent le désert dans des conditions périlleuses… Tous deux sont employés quelques mois à Sebbah mais ne peuvent obtenir le salaire promis. L'oncle rentre au Tchad et Ezadin se retrouve seul. Il a tout juste 15 ans. Les conditions de vie dans la Libye en guerre sont encore plus terribles que dans le camp de réfugiés qu'il a quitté (prison, sévices, disette). Il reste cinq mois à Tripoli avant d'embarquer sur un bateau de fortune vers l'Italie. Secouru par un navire italien, il débarque en Sardaigne. En deux mois, il rejoint Rome, puis Vintimille. Il traverse la frontière, les Alpes à pied et arrive épuisé à Gap où il décide de s'arrêter.

Ezadin est alors pris en charge par des associations qui s'occupent notamment des Migrants Isolés Étrangers (MIE). Fin 2016, il est envoyé à Marseille. Il commence à suivre des cours pour apprendre le français. Plus tard on l'envoie à Aix-en-Provence au Foyer Saint-Michel qui accueille des mineurs. Il y reste jusqu'à sa majorité. Il demande alors le droit de rester en France et obtient le statut de réfugié. Il a désormais le droit de rester et de travailler. Welcome l'accompagne en l'accueillant au sein de familles et en l'aidant à franchir les nombreux obstacles administratifs imposés aux migrants.

Aujourd'hui, Ezadin a mûri. Il ne perd plus, ou ne se fait plus voler, ses papiers et son pécule. Il gère son dossier administratif, sa carte Vitale, son compte bancaire, ses cours etc. Grâce à WhatsApp, il reste en lien avec sa famille au Tchad, mais lui regarde vers l'avenir, l'intégration en France. Il a une chambre minuscule au Foyer de Jeunes Travailleurs des Milles, où trône son scooter encore symbolique (il n'a encore ni permis ni assurance, mais peu importe, il contemple son futur destrier !). Chaque dimanche matin, il va jouer au foot avec d'autres migrants ou habitants de la ZAC du Jas de Bouffan, il aime tant marquer des buts ! Ses profs l'estiment et le soutiennent, car c'est un battant toujours optimiste, toujours prêt à rendre service… Ezadin n'a pas fini de nous étonner...

(Claude Carrillo et Bénédict de Saint-Laurent)